ponte algébrique
LES CENT ET UNE AVENTURES DE CAROLINE RENAULT. AUTO -BIOGRAPHIE
LA PONTE ALGEBRIQUE
C’était au mois d’août à Chatelaillon, une petite plage très tranquille et un peu désuète, ou je garais l’été ,pendant les vacances en 1955 ou plutôt 1956,,Christian avait remplacé au pied levé le chef cuisinier de l’hôtel de La Plage,qui s’était noyé en début de saison sur la plage après avoir glissé malencontreusement sur le parapet,à marée haute. Les Anquetin , gérants de cet hôtel étaient de grands amis de Christian,surtout elle ;cet hôtel,démoli depuis et remplacé maintenant par une promotion immobilière ,se trouvait face à la place de la poste (Jean Moulin maintenant),était construit en bois et était délicieusement vétuste. Pendant que Christian cuisinait ou « bavardait » avec la jolie patronne, Jeanette,un peu ronde mais très appétissante, les gâte -sauce me bichonnaient,astiquaient mes cuivres, passaient ma robe de tôle à l,huile d’olive, ce qui me redonnait un air de jeunesse. Jeannette avait un couple de clients et amis qui eux sortaient très peu de leur chambre,,peut être même n’avaient ils pas vu la mer, ou si peu. Jusqu'à mi -Août ,Christian avait beaucoup transpiré dans sa cuisine au charbon sans isolation ni ventilation,mais s’en était pas trop mal sorti, avec ses 80 pensionnaires à nourrir au menu,et les clients de passage à la carte. Faire la cuisine pour les copains ,il savait, mais la faire pour autant de monde et la préparer à temps, ça c’était une autre affaire ! heureusement ,les serveuses et la belle hôtesse veillaient à le prévenir à temps pour que les clients n’attendent pas trop ;On avait même eu comme client Philippe Clay ,un chanteur vedette en tournée au casino et qui avait dû rester deux ou trois jours sur place, sa somptueuse voiture américaine l’ayant laissé en panne ;ils n’osèrent pas me proposer pour la remplacer, et tous les hôtels étant pleins, l’artiste dut loger dans le studio de Christian,la belle hôtesse se chargeant d4héberger notre cuisinier en attendant.
Après le 15 Août, la saison était presque terminée ,et ne restaient plus que quelques vacanciers endurcis, et je pouvais emmener Jeannette,ses deux amis clients et Christian en promenade,et l’on décida d’aller rendre visite à NINO, un copain de javas de Christian ;
Nino était un grand escogriffe filiforme, qui au cours de sa navigation dans la marine marcha nde,avait eu l’idée d’utiliser les techniques Hollandaises pour élever des poules pondeuses en hiver( ce qui alors ne se faisait pas)et les fournir à son père crémier rue du Temple à La Rochelle, pour les vendre au détail dans sa boutique. J’étais venue plusieurs fois
A Saint Coux ou le père de Nino avait acheté une vielle ferme délabrée,et ou toute la bande avait aidé le père à retaper les bâtiments
Tout le monde s’égayait donc dans la ferme avicole, le maître de maison expliquait sa méthode,mais son expérience était mince,l’élevage de gallinacés n’ayant rien à voir avec le métier d’écrivain (comptable ) sur les bateaux ;mais il y mettait un sérieux inhabituel chez lui, ; le troupeau de mille poules était très surveillé , ;un graphique était prêt pour enregistrer
la ponte,le premier oeuf trouvé chaud dans le pondoir s’était avéré dur quand on le cassa ,plusieurs jours plus tard ; on ne sut jamais qui avait fait cette mauvaise blague ; moi je m’en doute ,mais ne le dirai jamais, même sous la torture . A ce propos,la Guerre d’Algérie avait débuté ,et, comme beaucoup de jeunes de cet âge,Nino avait été rappelé sous les drapeaux ;,il arrivait difficilement à concilier le service militaire à la base sous-marine de La Pallice avec l’élevage des poules pondeuses hollandaises, ;son père et ses copains lui donnaient un coup de main à l’occasion.
J’amenais donc de temps en temps une brassée de main d’œuvre plus ou moins qualifiée et plus ou moins efficace ,de copains plus enclins à la rigolade qu’à l’effort,,mais qui avaient quand même réussi à démolir quelques pans de murs inutiles et branlants,débroussailler et nettoyer,les cours pour les volatiles,et l’élevage prospérait malgré l’inexpérience de tous.
Moi,pourvue d’un grand coffre,je servais à alimenter le chantier en matériaux et nourriture,ainsi qu’à transporter la main d’œuvre . Enfin un jour, les vrais œufs firent leur apparition : d’abord un minuscule puis un plus gros ‘,avec deux jaunes , puis deux, puis quatre ,puis neuf….. le père de Nino ,méfiant depuis l’œuf dur qui l’avait ridiculisé auprès des cultivateurs voisins,ouvrait et goûtait les œufs , quant à Nino, il reportait les résultats au fur et à mesure sur son graphique, et tout le monde commentait. Christian fraîchement sorti du Lycée ,remarqua que les points du graphique pouvaient faire penser à une courbe algébrique ,et dessina au crayon sur la feuille la courbe « parabolique » correspondante ; le lendemain, le chiffre des pontes coïncida avec sa courbe, le surlendemain aussi : l’augmentation était prodigieuse,et la production ,jusque là facilement absorbée par la crèmerie du père,allait passer ,si nos prédictions algébriques étaient justes, de 50 œufs par jour à 800 env,ce qui dépassait la capacité de vente du papa ! Nino,ses copains et Christian imprimèrent alors à la main, en sérigraphie,les publicité conçues par mon artiste chauffeur,pendant une grande partie de la nuit,et allèrent les coller et distribuer au petit matin à La Rochelle. Heureusement, car les œufs furent au rendez vous dans les pondoirs,ramassés puis vendus par la famille de Nino,qui commença alors à y croire,sa sœur et sa mère étant très incrédules et critiques jusque là sur cette aventure..En très peu de temps,leur commerce tripla ses ventes.
Par la suite la ponte des œufs modifia sa courbe qui devint une sinusoïde(seuls les matheux comprendront),et à la fin de la ponte la courbe redevint une « parabole » descendante,qui déclencha la décision d’abattre le troupeau pour la vente à rôtir.
Qui aurait pu penser que la poule ,animal réputé le plus bête de la création,avait régulé sa ponte et sa reproduction sur les bases algébriques du théorème de Pythagore !